composition du conseil municipal depuis mai 2020 :
Ouverture de la Mairie
Mardi de 9H00 à 11H30
et
Jeudi de 12H30 à 16H00
Evolution de la population
« Population - Municipality code 23110 » par Michiel1972 — Travail personnel (using Insee census data). Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons
Jacques Payard, ce Creusois qui doit être le seul maire aveugle de France
Jacques PAYARD maire de Lioux-les-Monges - Manu Savoy
Le coquet bourg de Lioux-les-Monges a deux particularités, il est très dynamique pour sa taille et son maire, Jacques Payard, doit être le seul maire aveugle de France. Portrait.
Un coup de téléphone comme on en reçoit parfois… Amélie, qui ne s’appelle pas Amélie, se présente, elle est secrétaire de la grande Ursula ou autre nom en -a, voyante de son état. À l’autre bout du fil, Jean-Pierre Gaumet se présente, il est, lui, assistant de non-voyant. Amélie raccroche. Jacques Payard, le non-voyant en question, rigole comme un bossu. Maire de Lioux-les-Monges depuis 2014, Jacques Payard est sûrement le seul maire non-voyant de France. « Enfin, il paraît », ne peut-il s’empêcher de rajouter, aucune statistique ne pouvant, en effet, le confirmer.
"L’essentiel, ce n’est pas de faire les choses, mais se dire qu’on peut les faire"
« Je n’ai pas de Peugeot ou de Renault, mon véhicule s’appelle la solidarité », se plaît à rappeler le maire et, généralement, c’est Jean-Pierre, le premier adjoint, qui s’y colle. Mais il n’est pas seul. Martine, François, Anne et toute l’équipe sont un peu les yeux de Jacky.
« Sept conseillers, ça fait douze yeux », compte, à sa manière, Jacques Payard. « Voilà c’est un village où on voit mieux que d’habitude », résume Martine Castello. Le handicap n’a rien à voir dans cette cohésion, ou pas tant qu’on pourrait le croire, celle-ci correspond à sa façon de travailler, que ce soit dans le privé, du temps où il gérait une imprimerie, ou dans le public en tant qu’élu : « Un maire, ou un député, ne peut pas travailler seul. »
Autogestion et sentiments
« L’essentiel, ce n’est pas de faire les choses, mais se dire qu’on peut les faire », insiste Jacques qui, depuis 1977, a été conseiller puis adjoint à Juvisy-sur-Orge, une ville de 15.000 habitants en région parisienne avant d’intégrer, à la retraite l’équipe de Claude Fonty qui attaquait son deuxième mandat à Lioux.
La maison qu’il habite à présent est celle de l’arrière-grand-père de son arrière-grand-mère. Lioux, Jacky aurait dû y naître, mais trop pressé de découvrir le monde, il est - « malheureusement » selon lui- né dans la région parisienne où il devient imprimeur aux côtés de son père. Puis à 31 ans, Jacques perd la vue dans un accident de chasse. Le noir complet. Pour toujours.
Son ophtalmo l’oriente alors vers l’APAM (l’association pour les personnes aveugles et malvoyantes) où il apprend à lire et écrire en braille et réapprend les gestes de la vie courante… Deux options s’offrent, à ce moment, à lui : soit il se réoriente complètement et devient kiné ou standardiste, soit il reprend, dans la mesure du possible, son métier. Il a choisi -son professeur l’a aidé un peu- il retournera à l’imprimerie familiale.
La secrétaire de mairie ?"Je lui fais une confiance aveugle"
Pas toujours évident pour le commercial, toujours par monts et par vaux. C’est sa femme, institutrice jusque-là, qui s’est chargée de reprendre le poste. « Je ne voulais pas en faire un chien guide. Je suis resté à l’atelier, je me suis occupé des commandes, du téléphone. Elle, de l’extérieur. »
À son départ en retraite, en 2003, l’entreprise employait 14 personnes, dix de plus qu’à ses débuts. « En tant que patron Je n’ai jamais eu l’impression de commander. Bien sûr, il y avait les impératifs liés aux clients, mais après, on a toujours travaillé en équipe, par concertation », se rappelle-t-il.
Une logique qui l’a suivi jusqu’à la mairie de Lioux où Bernadette, l’employée communale évolue en autogestion. « Elle a tant d’heures par semaine, elle jongle avec son temps. Je lui fais une confiance aveugle », souligne l’élu. « J’ai toujours été pour travailler en équipe et en autogestion. Le contrôle ne se fait pas de haut en bas, mais les uns envers les autres, c’est ma philosophie du pouvoir »,
"Les gens doivent savoir qu’on peut progresser"
Mais comme l’activité professionnelle seule ne lui suffisait pas, il a - en vrac - évolué dans le milieu associatif, siégé au conseil d’administration de son école jusqu’à en devenir vice-président à sa retraite mais aussi au conseil municipal de Juvisy-sur-Orge en 1977 où il a été conseiller puis adjoint d’abord à la culture, ensuite aux affaires sociales.
« Mon souci, c’était de rester fermé entre quatre murs. J’avais l’habitude de livrer, d’aller partout », confie Jacky. Et, comme sans loisirs la vie ne vaut pas la peine d’être vécue, il continue la pêche, s’essaye au jardin, et, pour le sport, casse le bois au coin et au marteau.
« Il ne faut pas rester chez soi, sinon on s’étiole et on meurt, ça les gens le savent », déclare-t-il à propos du handicap. « Mais les gens doivent savoir qu’on peut progresser… ».
Samuel Guillon